V:1/17.04.01
Le Poids des corps
Genre: Policier, roman de caractères et
d'atmosphère.
Incipit
À cinq ans Vincent avait entièrement
démonté
un vieux réveil de cuisine. Puis, plein de bonne volonté,
il avait tout remis dedans. Le réveil ne faisait plus tic tac
mais
quand il le secouait mais ses entrailles produisaient un bruit de
crécelle
rouillée. Cette nuit, sur le goudron humide d’un parking de
supermarché
trop éclairé, Vincent tient dans ses bras un gros homme
inerte.
Depuis longtemps déjà cet homme est une mécanique
fragile et délicate. Et maintenant Vincent sent qu'il est comme
son vieux réveil désormais. Et définitivement.
Aucun
morceau, jamais, ne se recollera.
Cet homme, Vincent aurait pu l’aimer. Comme un grand frère
raté, comme un grand frère dont tous les garde-fous se
seraient
rompus. Ou comme un enfant, comme Vincent pense qu’il n’en aura pas.
Mais Vincent veut se battre. Il se baisse et murmure aux oreilles
du gisant:
— Jean! Jean! regarde-moi! regarde-moi!
C’est le silence. L’autre a les yeux ouverts mais il ne voit
plus rien, il ne regarde plus au dehors.
Vincent comprend, il le dit tout bas:
— D’accord.
Mais lui, il n’accepte pas. Ce qu’il vient de passer, c’est comme
un contrat.
Il lâche l’autre, l’autre s’affaisse complètement.
Vincent entend encore le ronronnement de sa mobylette. La roue tourne
toujours.
Il se lève d’un bond, attrape sa bécane, la redresse et
démarre.
Curieusement personne ne cherche à lui barrer la route, personne
ne se lance à sa poursuite. Un fretin trop menu?
Sommaire
© textes et illustrations: CinÉthique,
Olivier
Sillig.
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