Six
point cinq deux deux
Festival
"Les Urbaines", Théâtre Arsenic, 6 décembre 2002,
minuit. Spectacle performance de et par Alberto Grozio.
Grande salle, comble. La scène est obscurcie. Bruits
amplifiés et rythmés de gouttes d'eau. S'allume un
éclairage vertical qui rencontre d'abord un
goutte-à-goutte à l'origine des bruits, puis une chaise
et un micro. Alberto Grozio entre. Il s'avance, sort de sa poche une
liasse de notes volantes, les consulte, s'approche du micro et lit,
lentement, et clairement :
— Uno punto zero uno zero !
Il se recule, s'assied sur la chaise, ramasse un paquet de cigarettes,
en allume une, se relève, revient vers le micro, jette un œil
sur ses fiches et reprend :
— Uno punto zero uno uno ! Uno punto zero uno due ! Uno punto zero uno
tre.
Etc., etc. Et ainsi de suite, lentement.
À "uno punto due sei due", je devine qu'il s'arrêtera
à sept.
À "due punto tre zero zero", je me tourne vers mon voisin, un
jeune homme qui, dans la pénombre diffuse, paraît mignon.
Lui aussi s'ennuie ferme.
Je chuchote :
— Pendant ce temps, vous voulez que je vous branle ?
Cela aurait dû rester une boutade, mais lui, sans se tourner vers
moi, secoue discrètement mais positivement la tête, et
même, décroche sa ceinture. Je fais le reste.
Quand ma main rencontre sa verge, celle-ci s'est déjà
à demi déployée. Elle se révèle de
dimension et de proportion agréable.
Bientôt le jeune homme se met à bouger les lèvres.
Rien d'obscène, rien de feint, rien de surjoué.
Simplement, en locuteur muet, en écho, il reprend ce que
déclame le performeur. Ma main aussi en a adopté le
rythme.
— Due punto cinque tre zero.
Je sens l'émotion croissante du jeune homme, je sens la mienne.
Dans la salle, avec Alberto Grozio, nous sommes trois au moins à
apprécier la cadence.
À l'improviste le jeune homme se penche vers moi :
— Et vous ?
Il pointe rapidement son index vers mon entrejambe. C'est volontiers
qu'il me rend la pareille.
J'accepte avec plaisir :
— C'est gentil !
Je lui explique que depuis un moment je m'occupe aussi de notre voisine
de droite. Et j'ajoute :
— Votre main gauche est encore libre. Faites passer.
Au bout d'une heure Grozio arrive à "sette punto zero", il
s'arrête, la musique commence. Crescendo. Elle explose,
assourdissante.
D'autres explosions l'ont précédée.
***
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